mercredi 22 août 2007

les agents de liaison du reseau wi-wi


Roger Rieu et Manel Vidal agents de liaison du réseau WI-WI
Une organisation militaire de renseignements franco-américains 1943-1944
Annie Rieu
Origines
Roger Rieu Thoumasset (Maison Jacqueli) est né le 5 juillet 1920 à Rieu, hameau de la vallée de Capvert (commune de Seix), d’une mère paysanne et d’un père inconnu. Il a un frère aîné, et deux jeunes demi-frères. Son beau-père est petit paysan et sa mère pratique à la saison le colportage de broderie, de lunettes. Il marie en 1944 avec Josefina Mias (fille d’un républicain catalan, exilée en février 1939 par le Perthus)dont la famille compte des personnalités politiques républicaines de premier plan, comme Pere Mias. Ils auront cinq enfants (trois filles et deux garçons). Il est scoarié à l'école de Rieu (hameau de Seix) jusqu'à l'âge légal et passe avec succès le certificat d'études primaires à 13 ans. la pauvreté de la famille ne lui permet pas de poursuivre des études. Pendant son adolescence, il aide sa mère et son beau-père aux travaux des champs et travaille à la tâche comme domestique ou ouvrier agricole chez des agriculteurs du voisinage.
Manel Vidal est né à Isil (Pallars Sobira) le 17 mars 1899 dans une famille de petits agriculteurs. Il a cinq enfants, deux filles et trois garçons. En 1937 les inondations emportent sa petite maison.
Pendant la guerre d’Espagne Manel sert de guide vers le port de Salau pour des personnes qui fuient le franquisme. Il profite de l’occasion pour porter de la nourriture à des cousins exilés, surtout de la charcuterie, car la famille élevait un porc à Isil. En France il achète des produits qui manquent de l’autre côté : café, tabac, et il les porte à la maison. C’est pour cette raison qu’il est suspecté de faire de la petite contrebande et une dénonciation l’envoie en prison à Sort pour quelques jours. Repéré comme anti-franquiste il est déporté en Aragon pendant deux mois, à Los Corrales (Ayerbe, Huesca).
Ses passages alimentaires lui font connaître beaucoup de monde sur Couflens et Salau, soit des habitants du village, soit des espagnols exilés, avec qui il noue des contacts et notamment Caroline F épicière aubergiste à Couflens, qui était le quartier général de Roger.
Le Réseau Wi-wi
C’est en 1943 que Roger est sollicité par Jean-Marie Morère (originaire de Soueix,) chef de réseau à Marseille, pour devenir agent de liaison. Il s’y engage comme volontaire le 25 juillet 1943 pour toute la durée de la guerre. Il est agent P2, chargé de mission de 4ème classe. Il est rémunéré pour ce travail : 10 000 francs par passage. Les passages avaient lieu tous les 15 jours, parfois tous les 8 jours. Personne de sa famille n’est au courant de ce travail et sa mère le traite de feignant et le suspecte de trafic de saccharine.
Manel a 45 ans quand il est contacté par Jean-Marie Morère pour faire partie du réseau, pour faire aussi d’agent de liaison. Ce sont des raisons économiques qui lui font accepter cette mission mais aussi, tout comme Roger, des raisons idéologiques et personnelles.
Roger et Manel sont les deux maillons, les passeurs, du réseau sur la frontière occitano-catalane.
Au début de la création du réseau les messages étaient acheminés par Jacinto Bengoetxea (de Navarre) chauffeur de car de la compagnie Itté. Félicien Carrère, de Soueix, était chef du PC de Saint-Girons. Son fils Marcel Carrère, agent de liaison, s’occupait de la miniaturisation des plis. Des lieux comme la maison de Barthélemy Gabarre à Saint-Girons ou l’épicerie de Caroline F. à Couflens, servaient de boîte aux lettres.


Pour effectuer ses missions Roger Rieu descendait avec un vieux vélo, vêtu de guenilles. Il prétextait aller chez le médecin (le docteur Lagorce) pour se faire soigner du paludisme qu’il aurait contracté au Maroc ou en Algérie, lorsqu’il était dans l’armée. Il cachait les messages dans des endroits insolites, comme le guidon ou la pompe de son vélo. Ces ruses lui ont permis d’échapper à un contrôle sévère de la Gestapo sans problème, mais avec beaucoup de peur. Une autre fois il passe, dans un panier, un pistolet en pièces détachées recouvert de cerises. Il pose ce panier sur les genoux d’un passager allemand qui se rendait à Couflens par l’autobus de ligne.
Les rendez-vous du réseau se faisaient à Saint-Girons au Café Madrid. les agents bénéficient de la complicité d’un garçon de café, José Da Silva. Les messages s’échangeaient dans les toilettes du café. Morèra, ou parfois des jeunes filles, ou même un curé qui avait fait l’office de passeur, les portaient de Marseille. Ensuite Roger allait avec le message en direction d'Angouls et de là, à pied, il partait tout droit vers l'Artigou, le Pas dels Porcs et allait ensuite en directions du Portanech d'Auenère. Il descendait sur la Borda Petit, propriété de Manel, où celui-ci reprenait le pli. Parfois Manel l’attendait sur les crêtes, ou à mi-chemin de Borda Perosa. Quand Manel était en possession des documents il s’occupait de les faire parvenir jusqu’à Barcelone. Quand les messages provenaient de Barcelone et devaient aller à Marseille l’itinéraire se faisait à l’inverse, avec les mêmes personnes.
Par ailleurs Roger Rieu fréquentait la communauté espagnole exilée politique ou économique, fort nombreuse en Haut-Salat. La proximité de la langue occitane, parlée au quotidien par Roger, avec la langue catalane, parlée par les autres interlocuteurs, a grandement facilité la communication.

Les actions les plus importantes du réseau Wi-WI (sources Claude Delpla)

Parmi les messages transportés il faut noter :
- les plans de défense antiaérienne de Marseille
- les plans de la base sous-marine du Cap Janet
- des informations sur le renflouement des navires sabordés à Toulon
- des renseignements sur les défenses à la frontière italienne
- des renseignements sur les trains blindés stationnés à Callade les Aiguilles dans la banlieue de Marseille
Mais les deux dossiers les plus exceptionnels sont celui des avions torpilleurs (appareils de chasse Fockewulf), et celui des mines installées par les Allemands le long de la côte. Ces deux précieux messages ont donné des renseignements précis sur les endroits où étaient cachés les avions, ce qui a permis un bombardement efficace.
La vie après la Guerre Mondiale et les reconnaissances
Le 1er octobre 1944, lorsque la guerre est déjà finie en France, Roger rejoint la deuxième compagnie d’éclaireurs skieurs. Il est nommé sergent le 20 septembre 1944 et signe un contrat d’engagement de 3 ans. Il part en Autriche (Tyrol). Refusant d’aller en Indochine, il est démobilisé le 20 avril 1946.
Roger rentre au pays en 1946, reprend son activité agricole et élève des chèvres. Pendant plusieurs années il vit avec sa femme et ses trois filles de petits travaux précaires (ouvrier sur des chantiers, coupeur de buis, facteur). En 1957 il est ouvrier intérimaire à l’Électricité de France et est titularisé en 1960 comme gardien de l’usine de Salau.
Après la guerre Roger est récompensé pour les services rendus. La France lui donne la Croix de Guerre Étoile d’Argent en février 1946, décernée par le Général de Gaulle et le Maréchal Juin. Il obtient ensuite la Médaille Militaire et l’attribution de la Croix de Guerre avec palmes, par décret du 5 juillet 1951. Les États Unis lui décernent L’American Legion en 1994. Il prend sa retraite en 1980 et décède en 1997 à l’âge de 76 ans.
Manel quitte Isil en 1950 pour Saint-Girons (Ariège). L’exil vers l’Ariège devient définitif. Lui et sa famille sont hébergés d’abord chez une tante. Ensuite il achète une petite maison avec l’argent de la vente de son troupeau. Il travaille comme ouvrier chez un espagnol (l’entreprise Navarre) pendant 1 an, et participe à la construction du laboratoire souterrain de Moulis. Après son travail il fait des heures supplémentaires « en tirant du sable » pour nourrir sa grande famille. Ensuite il se fait embaucher par l’entreprise Azalini, qui possède une scierie à Saint-Girons, comme manœuvre. Quand il prend sa retraite à 68 ans, il n’a que 14 années de versement de cotisations.
Manel n’a pas eu de reconnaissance de son action dans le réseau Wi-wi, et n’avait pas la carte d’ancien combattant. Après plusieurs démarches, il la reçoit en 1980. C’est sa fille qui lui amène sur son lit d’hôpital où il va décéder peut après. Il a 81 ans.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Thanks for writing this.