dimanche 17 août 2008

l'exil du Pallars dans le sud de la France


Un an avant la Retirada (entre avril et décembre 1938) des centaines de républicains espagnoles, soldats de l'armée régulière, populations civiles, fuient le régime franquiste et prennent le chemin de l'exil par les Ports des Pyrénées. Plus de 500 personnes transitent par le Port de Salau et notamment des familles d'Alos d'Isil (village frontalier avec Couflens-Salau). Femmes, enfants, vieux, sont concentrés dans des centres d'hébergement provisoires à Seix, où ils sont lavés, nourris, et vaccinés avant d'être envoyés par des trains dans des centres d'hébergement dans la France entière (Rodez, Caserne Gribeauval à Clermont-Ferrand) etc.. Cette exposition réalisée par l'Ecomusée des Valls d'Aneu par Noemi Riudor et Ignasi Ros, avec la participation d'Annie Rieu dresse les itinéraires des ces familles, à partir de documents d'archives, de témoignages directs, de photos. Elle sera inaugurée dimanche 24 août 2008 à Alos d'Isil, à 11h (dans l'ancienne école) avant de circuler dans l'Ariège et à Toulouse où plusieurs protagonistes se sont fixés après quelques années d'errance.

DISCOURS POUR L’INAUGURATION DE L’EXPOSITION SUR L’EXIL PALLARES DE 1938, Ecole d’Alos d’Isil 24 août 2008 (Par Annie Rieu)

Passer la frontière est aujourd’hui un acte courant et facile, il y a des routes, presque plus de frontières, peu ou pas de contrôles. Mais la frontière, ce sont aussi des montagnes et des chemins plus ou moins difficiles d’accés. Cela n’a pas empêché de tout temps les hommes et les femmes de les traverser. Ainsi, entre la vallée du Pallars et la vallée du Salat, les échanges ont été nombreux et facilités par le port de Salau par un chemin très accessible. Michel Chevalier, éminent géographe note qu’au siècle dernier le Port de Salau était un des Ports les plus fréquentés des Pyrénées, soit pour des raisons économiques : les échanges agro-pastoraux et les foires, soit pour des raisons vitales :trouver les denrées nécessaires à la subsistance avec le développement d’un petit braconnage de subsistance, etc... Il y a eu aussi des liens très forts entre les deux vallées lors de l’exploitation de la forêt de Bonabé de 1900-à 1925 environ, par la Société Matussière et Forest, etc….la liste pourrait s’allonger et ce pourrait être le sujet d’une prochaine exposition.
Il y a des périodes où passer la frontière n’est plus une nécessité économique, où une distraction, mais devient une urgence. C’est ce qui est arrivé à plusieurs familles d’Alos d’Isil et d’autres villages qui ont fui les exactions franquistes, laissant tout derrière elles, de la famille, des voisins, des troupeaux, des prés, des granges, durement acquis au cours des générations. Ces familles ont tout laissé avec l’espoir d’un retour, mais hélas les circonstances ont fait qu’elles ne sont jamais revenues définitivement dans leurs lieux de naissance, de vie. Après bien des périples, elles se sont fixées en Ariège, à Toulouse et reviennent aux périodes estivales pour retrouver leurs racines..
C’est ce que nous dit cette superbe exposition réalisée par deux précieuses personnes Ignasi Ros et Noemi Riudor, compétents et passionnés et c’est cette passion commune qui nous a permis de travailler ensemble sur une précédente exposition sur le thème des réseaux d’évasion et de renseignements pendant la 2ème guerre mondiale où l’on voit que les personnes qui sont restées ont résisté aussi de l’intérieur,prenant des risques pour s’engager dans des missions de renseignements délicates.
En tant que fille d’exilées républicains espagnols (de la retirada du Perthus en 1939) et habitante de Couflens-Salau, c’est avec beaucoup d’émotion que je me retrouve ici, à Alos d’Isil avec vous. Depuis mon enfance, mes pas m’ont mené régulièrement vers ces montagnes, vers ces villages où mon père avait beaucoup d’amis et nous venions régulièrement à la Festa Major. Cela montre que cette frontière administrative, qui n’en est pas une pour nous habitants des deux versants, porte l’empreinte et la mémoire de tous ces exilés, de leur fatigue, de leur souffrance, de leurs espoirs. Aujourd’hui, depuis plus de 20 ans, nous nous retrouvons au Port de Salau le premier dimanche d’août pour célébrer l’amitié occitano-catalane. C’est l’occasion de rappeler les liens très forts qui nous unissent, par la proximité linguistique de l’occitan et du catalan ; c’est aussi l’occasion de rappeler les moments douloureux que nous avons vécu les uns et les autres.
Aujourd’hui une page se tourne, mais il ne faut pas oublier et témoigner. Il nous faut renforcer les liens et faire en sorte que ces drames ne se reproduisent plus, afin de laisser un monde en paix aux générations qui suivent.
Merci à tous. Moltes gracies de la vostre presencia i amistat.
Annie Rieu